« Quel son est émis par une main qui applaudit ? » Telle serait l’une des énigmes que les maîtres zen poseraient à leurs élèves pour réaliser leur état d’éveil épiphanique (« satori » 悟). Ces « koan » (公案) — tests de paradoxes spirituels qui éludent toute solution de pensée logique — sont souvent des dialogues de grands moines sous forme d’anecdotes, qui constituaient un élément important de la formation zen. Un autre exercice commun utilisé pour parvenir à l’état d’éveil était la pratique artistique. Le symbolisme traditionnel, ou la simple représentation de la nature, ne pouvait pas suffire à la tâche ; au contraire, la peinture zen (« zenga » 禅画) cherche à représenter l’esprit instantané d’une action au moyen d’abréviations suggestives, d’allégories non conventionnelles et de la calligraphie. Les touches de pinceau peuvent induire une saisie spirituelle du « satori » au moment exact de son action. En d’autres termes, le trait d’encre lui-même exprime le concept de la pensée. « L’Enso » — cercle sans commencement ni fin — est considéré comme la manifestation de la sagesse du Bouddha jaillissant de l’essence absolue de la nature. Il infiltre et pénètre toutes choses. Symbole de l’unité parfaite, il transcende tous les opposés et les vides en même temps. Le rouleau de parchemin suspendu (kakémono) proposé ici par Enji Tōrei représente un de ses sujets les plus appréciés. L’artiste y a inscrit deux demi-cercles ; celui de droite est réalisé avec un pinceau mince, dont le trait vibrant confère à la composition une dynamique qui donne l’impression d’un mouvement éternel des choses. Il est inutile de décrire l’expérience du zen exprimée dans l’art. Selon la perception zen, l’art se tient de lui-même sans aucune pensée. Même s’il existe un arrière-plan complexe de symboles et d’allégories, une interprétation complète n’est pas toujours possible. Comprendre les peintures zen implique donc de s’immerger dans cette peinture et d’atteindre l’éveil en faisant inconsciemment le vide en soi.