« Quel son est émis par une main qui applaudit ? » Telle serait l’une des énigmes que les maîtres zen poseraient à leurs élèves pour réaliser leur état d’éveil épiphanique (satori 悟). Ces « koan » (公案) — tests de paradoxes spirituels qui éludent toute solution de pensée logique — sont souvent des dialogues de grands moines sous forme d’anecdotes, qui constituaient un élément important de la formation zen. Un autre exercice commun utilisé pour parvenir à l’état d’éveil était la pratique artistique. Le symbolisme traditionnel, ou la simple représentation de la nature, ne pouvait pas suffire à la tâche ; au contraire, la peinture zen (zenga 禅画) cherche à représenter l’esprit instantané d’une action au moyen d’abréviations suggestives, d’allégories non conventionnelles et de la calligraphie. Les touches de pinceau peuvent induire une saisie spirituelle du satori au moment exact de son action. En d’autres termes, le trait d’encre lui-même exprime le concept de la pensée. Des personnages allégoriques comme Bodhidharma, le patriarche du bouddhisme zen, ont des relations directes avec le très populaire « koan ». Dans le tableau, Jiun Onkō dépeint le personnage en trois traits seulement sans aucune virtuosité technique, mais avec une simplicité suggestive. Des qualités comparables se vérifient dans l’inscription « Sans mérite » réalisée au-dessus d’un large trait de brosse chargée d’une encre noire très dense. Il est inutile de décrire l’expérience du zen exprimée dans l’art. Selon la perception zen, l’art se tient de lui-même sans aucune pensée. Même s’il existe un arrière-plan complexe de symboles et d’allégories, une interprétation complète n’est pas toujours possible. Comprendre les peintures zen implique donc de s’immerger dans cette peinture et d’atteindre l’éveil en faisant inconsciemment le vide en soi.
Jiun Onkō (1718-1804) est une figure intéressante dans le développement du « zenga ». Sa formation n’a pas suivi la voie classique des moines bouddhistes. À l’origine, c’était un samouraï ayant reçu une formation confucéenne traditionnelle. Par la suite, il se convertit au bouddhisme et embrassa la philosophie zen. Comme la plupart des peintres zen, il réalise ses oeuvres principales dans les dernières années de sa vie, une fois maîtrisés les enseignements du bouddhisme. Son art est caractérisé par des touches hardies et puissantes, accompagnant des caractères calligraphiques exécutés en taches d’encre épaisse.