Membre actif du groupe des impressionnistes avec lesquels il expose, Gustave Caillebotte (1848-1894) est aussi le collectionneur des œuvres de ses amis. Il est ainsi à l’origine, grâce à son legs, de l’entrée de nombre d’entre elles dans les collections publiques françaises. Le thème des joueurs de cartes est couramment traité dans les tableaux flamands, mais comme scène de genre. Caillebotte lui donne ici la dimension monumentale d’une peinture d’histoire, et l’ancre délibérément dans la modernité de son temps. La Partie de bésigue a été présentée pour la première fois lors de la Septième Exposition impressionniste, en 1882, et figurait en première place dans le catalogue.
Dans la suite de ses tableaux traitant des loisirs alors en vogue, comme le canotage qu’il pratiquait lui-même, Gustave Caillebotte peint ses amis dans une scène d’intérieur qui se déroule chez son frère et lui, dans leur appartement cossu du boulevard Haussmann. Son frère, le compositeur Martial Caillebotte, figure à droite de la composition, fumant sa pipe. Il joue au bésigue – une variante de la belote – avec trois des amis attablés avec lui, cependant qu’un quatrième assiste à la scène, debout auprès d’eux.
Présentés dans une attitude naturelle, les joueurs, tout absorbés par la partie, semblent ignorer le peintre qui les observe. L’angle utilisé fait entrer le spectateur de plain- pied dans l’intimité de cette réunion amicale. L’adoption d’une perspective particulière est caractéristique de caillebotte, qui aime les cadrages imprévus et a inventé la vue en plongée en peinture.
Influencé par la photographie, que son frère Martial pratiquait en amateur, il se rapproche d’un réalisme que les États-Unis, pays où il est le premier artiste français à être exposé régulièrement, apprécient. Il y annonce le courant réaliste auquel se rattache Edward Hopper au XXe siècle.